Et si devenir écrivain pouvait s'apprendre
Par Culturebox (avec AFP) @Culturebox
Savoir écrire n'est peut-être pas qu'un talent inné. En France, les
ateliers d'écriture connaissent un succès croissant et ont fait
récemment leur entrée à l'université. Ces programmes ont avant tout pour
vocation de donner des clés pour développer le potentiel de chacun. Des
auteurs comme Philippe Djian, animent des ateliers très courus.
"En France, on vit avec l'idée qu'écrire, c'est un don.
Apprendre le piano, oui, mais l'écriture, ça passe moins bien", explique
Frédérique Anne, la directrice des ateliers Elisabeth Bing à Paris, qui
accueillent quelque 500 participants. Pourtant, trouver son style,
donner du rythme au récit ou rendre des personnages attachants ne va pas
de soi pour tout le monde. "Il est important de montrer qu'écrire,
c'est du travail. C'est beaucoup réécrire", explique l'animatrice.
Chaque semaine, elle soumet une "proposition d'écriture" à ceux qui
poussent les portes de l'atelier, comme narrer un événement d'apparence
anodine faisant basculer la vie d'un personnage. "L'idée n'est pas de
normer", mais de "voir comment un texte est perçu, comment il peut
bouger", souligne-t-elle. La lecture à l'oral des textes est essentielle
dans ce processus même si aujourd'hui plus de la moitié des
participants suivent les ateliers par courriel, avec un dispositif
adapté pour maintenir une dynamique du groupe.
Aux Etats-Unis, des écrivains majeurs comme Raymond Carver, Richard Ford ou Jay McInerney revendiquent souvent avoir suivi des cours de création littéraire ("creative writing"). Les ateliers d'écriture ne sont pas une nouveauté outre-Atlantique. Le premier programme du genre a vu le jour en 1936 à l'université d'Iowa, désormais célèbre pour les nombreux Prix Pullitzer qui y sont passés, comme Philip Roth.
La France veut rattraper son retard
En France, le sujet est moins ouvertement abordé même si les cours se multiplient, grâce à internet notamment. Les universités cherchent elles aussi à se mettre à la page. Aujourd'hui, dans l'Hexagone, il existe quatre formations qui proposent ce type de cours d'écriture à leurs élèves, à Toulouse, au Havre, à Paris VIII et à Cergy-Pontoise. Pourtant, à en croire le nom d'une étude menée en 2015 par Odoxa pour le site de vente en ligne Amazon, "les Français aiment écrire". Elle montre ainsi qu'un Français sur trois a déjà écrit ou songé à écrire un livre et que les jeunes (18-24 ans) sont les plus motivés par l'écriture : 59% d'entre eux déclarent "aimer écrire". Par ailleurs, d'après un sondage Opinion Way pour Le Figaro Littéraire, 1,4 million de Français ont un manuscrit à faire lire, mais seuls 400 000 d'entres eux font la démarche de l'envoyer à un éditeur. En clair, si l'offre se développe, la demande devrait suivre.Leïla Slimani a suivi l'atelier d'écriture de la NRF/Gallimard
Ces
ateliers accouchent régulièrement de nouveaux talents. C'est par
exemple le cas aux Etats-Unis du jeune prodige Garth Risk Hallberg,
l'auteur de "City on fire" (2015). En France aussi, ces programmes
peuvent être de vraies pépinières. En lice pour le Goncourt et le
Renaudot, deux prix remis jeudi, Leïla Slimani (avec son livre "Chanson
douce") est passée par les ateliers de la Nouvelle Revue Française
(NRF/Gallimard), inspirés par ce que fait l'éditeur Faber & Faber à
Londres. Des aspirants écrivains se confrontent à de grands noms de la
littérature française comme Philippe Djian ou Jean-Marie Laclavetine au
siège de Gallimard. "Elle avait déjà écrit une première mouture de "Dans
le jardin de l'ogre" (son premier roman, ndlr). Ca l'a déverrouillée.
Six mois plus tard, elle terminait son manuscrit", a indiqué la maison
d'édition. La formation est décriée pour ses prix (1.500 euros pour 24
heures de cours étalées sur un trimestre), mais reste un succès non
démenti avec 40% de réinscription parmi les participants.
L'écrivain d'origine bulgare, Elitza Gueorguieva, a elle
obtenu un master en création littéraire à l'université. C'est grâce à
cette formation toute récente qu'elle a pu terminer "Les cosmonautes ne
font que passer", son premier roman, en cours de réimpression chez
Verticales (Gallimard). "On évolue dans un groupe, il y a énormément de
retours des autres étudiants, c'est très constructif. C'était important
pour moi car je suis étrangère et j'écris en français. J'ai notamment
appris à fluidifier mon écriture", explique-t-elle. Qui plus est, "ces
formations sont très libres" et s'insèrent dans un projet artistique,
souligne-t-elle, balayant les craintes sur un éventuel formatage.
"Développer des potentiels"
Il
s'agit avant tout de "laboratoire d'écriture", estime Violaine
Houdart-Merot, responsable du master à Cergy-Pontoise. Parmi le noyau
d'étudiants sélectionnés, beaucoup ont fait Lettres ou philosophie, mais
il y a aussi d'anciens étudiants en histoire, en cinéma, biologie,
voire en médecine. Certains rêvent d'être publiés mais d'autres veulent
devenir biographe, artiste numérique ou lancer des projets artistiques
faisant appel à l'écriture. "Il ne s'agit pas de leur faire croire
qu'ils vont tous publier chez Gallimard mais de leur offrir les
meilleures conditions pour développer leurs potentiels et explorer de
nouvelles voies", poursuit l'universitaire. Pas question de se limiter
au roman ou aux nouvelles. Cergy a reçu cet été près de 80 candidatures
pour seulement 17 à 18 places. Un succès qui témoigne de la vitalité de
la littérature et de son attrait auprès des jeunes générations, souligne
Mme Houdart-Merot. Elitza Gueorguieva, pour sa part, envisage à
l'avenir de travailler de manière plus solitaire, même si elle compte
désormais sur son éditeur pour la guider et "prendre le relais".
Philippe Djian anime les ateliers d'écriture de la NRF/Gallimard
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire